D’abord, rappelons ce qu’on appelle le tannage du cuir. Le tannage est l’étape qui permet de transformer la peau (matériau putrescible) en cuir (matériau imputrescible et résistant). Pour ce faire, différentes techniques existent, avec des métaux, de l’aluminium ou encore des végétaux.

Le tannage au chrome

C’est le mode de tannage le plus utilisé, il représente la majorité des cuirs aujourd’hui. Mis au point à la fin du 19ème siècle, le tannage au chrome est facile à mettre en œuvre et rapide. Comme le rappelle Première Vision, “il a de très bonnes propriétés de teinture permettant de multiples possibilités de couleurs et de finitions avec une bonne stabilité dans le temps et à la lumière”. 

Au sein de l'Union européenne, tous les cuirs sont certifiés REACH (Registration, Evaluation and Authorisation of Chemicals). Cette réglementation, entrée en vigueur en 2007, vise à sécuriser la fabrication et l’utilisation des substances chimiques nocives, pour la santé humaine et l’environnement. Tous les produits fabriqués, importés et mis sur le marché européen sont concernés. La norme européenne REACH permet notamment d’éviter que le chrome 3, sous certaines conditions, ne s’oxyde en chrome 6, un agent chimique toxique et cancérigène en cas d’inhalation ou d’ingestion, et qui peut provoquer un risque d’allergie cutanée. 

Mais, dans la pratique, certaines usines échappent aux réglementations, comme le démontrait une enquête de Cash Investigation sur des tanneries en Italie. Lors du tannage, les rejets d’effluents (boues) sont chargés en chrome, ce fameux métal lourd et toxique, et sont parfois rejetés dans la nature. Dans les pays asiatiques par exemple, où les réglementations sont moins strictes qu’en Europe, ces boues (comme les colorants utilisés pour les teintures) sont rejetées sans traitement et polluent l’environnement. En cas de doute, mieux vaut privilégier dans tous les cas les produits en cuir entièrement fabriqués en Europe. 

Le chrome n’est donc pas sans danger pour l'environnement et les personnes qui travaillent au contact du cuir dans des tanneries peu réglementées... Mais également pour les consommateurs et consommatrices. En 2017, l’association 60 millions de consommateurs relatait plusieurs témoignages de personnes présentant des démangeaisons, plaques rouges et brûlures après avoir porté leurs chaussures neuves pendant quelques jours. 

Les types de tannages suivants sont "chrome free". Pour utiliser cette appelation, le cuir ne doit pas contenir plus de 1000mg de chrome par kilo.

Le tannage aluminium

En ce qui concerne le tannage aluminium, il s’agirait du premier tannage minéral connu et d’une technique ancestrale. Cette alternative est intéressante car, comme son nom l’indique, le tannage ne contient pas de chrome. Pour les raisons évoquées plus haut, cela permet d’éviter les dérives liées au manque de réglementations dans certains pays et aux risques provoqués par le chrome 6. C’est une option avec une très bonne réceptivité à la teinture, employée principalement, selon Première Vision, en mégisserie pour le tannage des petites peaux. C’est un tannage qui permet d’obtenir des cuirs très blancs.

Le tannage synthétique ou metal free

C’est un tannage sans chrome ni autre métal, à base d’agents de synthèse organiques. Mais il n’a pas de formulation officielle, car chaque tanneur a ses propres techniques et procédés. "Ce type de tannage donne au cuir souplesse, moelleux, résistance à l’usure, et lavabilité. Sa couleur de base proche du blanc, permet des coloris vifs intenses et des clairs lumineux. Il bénéficie d’un intérêt grandissant, en raison de son absence de métaux, mais contrairement au tannage au chrome, ce savoir-faire plutôt récent est encore en développement et demande aux tanneurs de retravailler leur procédés-recettes", peut-on lire ici. Mais ce tannage n’est pas parfait et utilise davantage d’eau que pour le tannage au chrome par exemple. Cependant, cette eau étant quand même moins polluée qu’avec le tannage au chrome, les tanneries parviennent désormais à la réutiliser. Sans oublier que ces agents de synthèse apportent la même souplesse et profondeur de couleur que le tannage au chrome.

Le tannage végétal 

Le tannage végétal - à ne pas confondre avec le "cuir végétal" - est une technique ancestrale et naturelle dans laquelle on utilise des végétaux, comme les écorces, les feuilles, les fruits ou les racines, qui contiennent naturellement des tannins. Il est non toxique et 100% biodégradable. 

Cependant, ce type de tannage n’est pas encore très répandu. D’une part car le processus est plus long et dure de 48h à plusieurs mois, et il utilise également plus d’eau que pour le tannage au chrome (même si dans ce cas l’eau n’est pas polluée). D’autre part, ses caractéristiques techniques sont moins intéressantes que d’autres alternatives. Il est moins durable dans le temps, et offre moins de possibilités colorimétriques. Le cuir au tannage végétal peut se patiner au fil des ans et de l’usage, il résiste aussi moins aux taches et demande donc un meilleur entretien. Il n’est pas non plus très adapté à la chaussure par exemple, car c’est un cuir plus sec, plus épais et plus brut. 

En bref, ces différents tannages présentent des avantages et inconvénients qu’il s’agit d’évaluer. Évidemment le tannage au chrome est le moins écologique - même si en Europe la réglementation REACH permet d’éviter que le chrome ne se transforme en chrome toxique 6 - mais le tannage végétal est lui moins durable et moins adapté à certains produits et usages. Alors, de nombreuses marques durables font le choix de tannages mixtes, mêlant plusieurs procédés.

Et beaucoup sourcent également leur cuir auprès de fournisseurs certifiés Leather Working Group (L.W.G.), un groupe indépendant de tanneries et de fabricants qui travaillent sur des pratiques durables pour réduire l’impact environnemental du cuir.